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// Lettre ouverte

Faire la paix avec le caribou pour notre santé

Affichant comme fil conducteur de la COP 16 sur la biodiversité le thème « Paix avec la nature », le ton est donné : les humains sont au cœur des transformations attendues en faveur de la biodiversité. Ainsi, il sera crucial de souligner l’importance de la préservation de la biodiversité pour la santé humaine et la stabilité de nos écosystèmes. Au Québec, la protection du caribou des bois, une espèce emblématique en péril, incarne cette interconnexion entre la santé de la planète et celle des populations humaines.


Biodiversité et zoonoses : des risques sanitaires croissants

La pandémie de COVID-19 a rappelé au monde entier les dangers des zoonoses, des maladies transmises des animaux aux humains. La perte de biodiversité et la destruction des habitats naturels, notamment les forêts boréales où évolue le caribou, augmentent les risques d’émergence de ces maladies.

Lorsque les habitats du caribou sont fragmentés par l’exploitation forestière et l’industrialisation, la faune sauvage est forcée de se rapprocher des zones habitées. Cela crée des conditions idéales pour le passage de pathogènes des animaux aux humains, comme cela a été observé avec plusieurs épidémies récentes.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 60 % des maladies infectieuses humaines proviennent de la faune, et 75 % des maladies émergentes sont d’origine zoonotique.

Protéger les écosystèmes naturels du Québec et partout ailleurs est donc une action directe pour prévenir les futures épidémies et pandémies.


Une seule santé : une approche globale pour la santé

Le concept d’Une seule santé reconnaît l’interconnexion entre la santé humaine, animale et environnementale. Cette approche holistique est particulièrement pertinente dans le cadre de la protection d’espèces menacées, comme le caribou, et de leur habitat.

Au Québec, la disparition du caribou est un symptôme alarmant de la dégradation des écosystèmes boréaux. En perturbant ces habitats, nous affaiblissons la résilience des écosystèmes, augmentant les risques de transmission de maladies, mais aussi les effets négatifs sur notre bien-être physique et mental.

Lors de la COP 15, les parties ont souligné l’importance de l’approche Une seule santé dans la lutte contre les pandémies et la protection de la biodiversité.

Cette approche devrait être au cœur des discussions lors de cette COP, où les leaders mondiaux sont appelés à renforcer leurs engagements pour la protection de la biodiversité. Le Québec a une responsabilité particulière en tant que gardien d’une partie de la forêt boréale mondiale, un écosystème crucial pour la stabilité climatique et la santé planétaire.


Santé planétaire : un impératif à l’ère des changements climatiques

La notion de santé planétaire met en lumière le lien inextricable entre la santé humaine et la santé de la Terre. Le changement climatique a été une priorité mondiale lors de la COP 29 sur le climat, où il a été reconnu que la santé humaine et celle des écosystèmes sont indissociables.

Le caribou des bois est une espèce nordique particulièrement vulnérable aux changements climatiques et l’exploitation industrielle et la destruction des habitats ne font qu’aggraver cette situation.

Des écosystèmes en santé nous protègent des extrêmes climatiques, nous fournissent de l’air pur et de l’eau potable et réduisent les effets des changements climatiques.


Agir pour la biodiversité, c’est agir pour notre santé

La COP 16 doit être l’occasion de reconnaître l’importance de la biodiversité pour la santé humaine et l’avenir de la planète. La protection du caribou des bois est un exemple concret des bénéfices que nous retirons de la conservation des espèces et des écosystèmes. Une stratégie audacieuse est nécessaire pour protéger son habitat, créer des aires protégées et intégrer les Premières Nations dans la gestion des territoires.

Il est temps d’adopter une approche d’Une seule santé et de placer la santé planétaire au centre de nos politiques publiques. La protection du caribou et de la biodiversité ne concerne pas seulement l’environnement, elle est essentielle pour notre santé et celle des générations futures.


Cyril Frazao, directeur santé-climat à l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)

Lettre ouverte publiée dans Le Devoir