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Notre santé part-elle en fumée ?

Notre santé part-elle en fumée ?


Quand on pense au Canada, on pense aux grands espaces, aux innombrables lacs et à l’immensité de la forêt. Et pour cause : le Canada compte 367 millions d’hectares de superficie forestière, dont plus de 90 millions situés au Québec. Nuancées de rouge à l’automne, recouvertes de neige en hiver, et vertes flamboyantes en été, les forêts jouent un rôle prépondérant pour la biodiversité, le stockage du carbone, la filtration de l’eau mais aussi en termes d’économie, de loisirs et d’identité culturelle (1).



Qui dit forêt, dit également feux de forêts


En effet, les feux font intégralement partie de la réalité canadienne, et sont un phénomène naturel et important pour la régénération écologique, le contrôle des parasites et maladies, ainsi que pour la diversité des écosystèmes (2).

Bien que l’activité humaine puisse être la cause initiatrice de plusieurs feux de forêts (ex : feux de camps mal éteints, mégots de cigarettes jetés imprudemment ou même certaines pratiques agricoles et forestières), les changements climatiques jouent un rôle crucial dans l’augmentation de la fréquence et de l’intensité de plus en plus destructrice des feux. En effet, la hausse des températures, les périodes prolongées de sécheresse et les phénomènes comme les tempêtes de foudre sans pluie sont des facteurs favorisant le déclenchement des incendies de forêt (2).


Des nombres tristement grands

La saison des feux de forêt au Canada en 2023 a été la plus dévastatrice jamais enregistrée. En date du 2 octobre 2023, plus de 6 500 incendies avaient brûlé 18,5 millions d’hectares, soit une superficie équivalente à la Syrie (3). En moyenne, environ 2,5 millions d’hectares sont consumés chaque année au Canada. Contrairement aux années précédentes, les incendies de 2023 ont touché l’ensemble du pays, de la côte ouest aux provinces atlantiques, en passant par le nord (4). Au Québec, ce sont 708 feux qui ont brûlé plus de 5,21 millions d’hectares, un record dans la dernière décennie (3).


Ce ne sont pas seulement des forêts que l’on perd

Les impacts environnementaux sont nombreux et variés. Les feux de forêts engendrent des émissions de carbone dans l’atmosphère contribuant au réchauffement climatique. En 2023, ce sont 474,23 mégatonnes de carbone, provenant des incendies de forêt du pays, qui ont été relâché, représentant le triple du dernier record enregistré en 2014 (3). Les écosystèmes sont également les premières victimes : les feux peuvent détruire des habitats clés d’espèces animales et végétales, influencer les interactions entre espèces, et en menacer la survie, changeant complètement l’écologie du milieu (2).



Quelles sont les conséquences sur la santé ?

Selon Santé Canada, 4000 décès prématurés sont directement imputables à la qualité de l’air. La fumée qui émane des feux de forêt, composée de nombreuses molécules dont des particules fines de type PM2,5 et des gaz nocifs, affecte la qualité de l’air et peut être dangereuse pour notre santé (5).


  • L’exposition à la fumée des feux de forêts peut causer des problèmes respiratoires, notamment chez les personnes vulnérables comme les enfants, les personnes âgées et celles atteintes de maladies respiratoires. Les particules fines, par leur très petite taille, ont la capacité de pénétrer profondément dans les poumons et peuvent entrainer des irritations et de l’inflammation (6). L’exposition à la fumée aggrave ainsi l’asthme, la maladie pulmonaire obstructive chronique et augmente le risque de cancer à long terme (7).
  • Les feux de forêt peuvent également avoir un impact sur la santé mentale : les évacuations inattendues et les pertes causées par les incendies entraînent du stress, de l’anxiété et des traumatismes psychologiques (6)(7). Cela est d’autant plus vrai dans les communautés éloignées et autochtones, chez qui les évacuations surviennent en majorité. La destruction des terres ancestrales est associée à une perte de structure sociale et culturelle pouvant provoquer une détresse psychologique et une diminution d’appartenance au territoire (2).
  • Et chez les femmes enceintes ? L’exposition à la fumée des feux de forêt chez les femmes enceintes est associée à une incidence accrue des naissances prématurées et des nouveau-nés de faibles poids (7). Nouvellement, l’augmentation des risques de paralysie cérébrale est également associée à une exposition à forte concentration en PM2,5 durant la grossesse (8).

Quelles précautions prendre lors de feux de forêt ?

Rappelons que la fumée se déplace rapidement, entrainant la propagation des particules fines de type PM2,5, dont les conséquences évoquées ci-haut peuvent également affecter les populations plus lointaines des zones touchées (6). Il est donc important de prendre des mesures de précautions afin de minimiser les risques encourus.


D’un point de vue individuel :

Il est important de s’informer sur l’indice de la qualité de l’air. Pour cela, il existe des outils comme :

Lorsque l’air est trop chargé en fumée, il est important de rester à l’intérieur, de limiter les apports d’air extérieur et de soutenir les personnes en situation d’isolement social. Le port du masque N-95 est également recommandé pour les personnes dans l’obligation de sortir à l’extérieur (9).


D’un point de vue des établissements de santé :

Il est également important que les établissements de santé prennent des mesures pour atténuer les risques en temps de feux de forêt. Par exemple, les filtres à air ou les systèmes de filtration HEPA offrent une protection essentielle aux patients et personnel de santé et permettent de maintenir la fonctionnalité des établissements. Il serait également important de mettre en œuvre des plans d’évacuation dans les établissements de santé situés dans les zones à risques et de former le personnel de santé aux impacts des feux de forêt afin de mieux orienter le travail de première ligne (7).



Lutter pour s’adapter

Années après années, les changements climatiques créent et créeront des conditions de plus en plus propices à des saisons de feux de forêts plus longues et destructrices. Il est impératif de contribuer à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre mais également de développer des stratégies d’adaptation afin de protéger la santé populationnelle et des écosystèmes. À partir de 2023-2024, le gouvernement fédéral investira 285 millions de dollars sur cinq ans pour des programmes et activités visant à améliorer la gestion des feux de forêt. Cette initiative soutient la Stratégie nationale d’adaptation et adopte des mesures proactives pour réduire les risques d’incendies. L’initiative rassemble gouvernements, peuples autochtones, secteurs public et privé, universités et particuliers pour coordonner les efforts et protéger les communautés vulnérables (10). Au Québec, une enveloppe supplémentaire de 16 millions de dollars sera adressée à la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) pour l’année 2023-2024 afin de lutter contre les feux de forêt. Ce montant servira aussi à déployer de bonnes pratiques de prévention et d’atténuation des feux de forêt et de mettre en place des activités de prévention et de formation à l’échelle provinciale afin de renforcer les capacités de la SOPFEU et d’assurer son efficacité face aux défis posés par les changements climatiques (11).


Cet article a été rédigé par l’équipe Santé et climat de l’ASPQ. L’équipe travaille principalement sur des enjeux d’atténuation, d’adaptation et de transition juste afin que la santé publique soit un levier dans l’action climatique. 
Cliquez ici pour en savoir plus.

Références :

  1. Gouvernement du Canada. (2024), Quelle superficie la forêt couvre-t-elle au Canada? [Page web consultée le 1 août 2024]
  2. Ouranos. (2024), Feux de forêt. [page web consultée le 2 août 2024]
  3. Sarah Boumedda. (2024), Partir en fumée : l’été 2023, le début du reste de nos vies., Le Devoir.
  4. Gouvernement du Canada. (2024), Incendies de forêt d’une ampleur record au Canada en 2023 : un réveil brûlant. [Page web consultée le 1 août 2024]
  5. Riopel, E. (2024), Cadre de référence sur l’air, Association québécoise des médecins pour l’environnement. 
  6. Atlas climatique du Canada, Changements climatiques et fumée des feux de forêt. [Page web consultée le 1 août 2024]
  7. Association Médicale Canadienne. (2024), La saison des feux de forêt nous guette. Le système de santé canadien est-il prêt? [Page web consultée le 5 août 2024]
  8. Jean-Benoit Legault. (2024), L’exposition à la pollution de l’air avant la naissance pourrait augmenter le risque de paralysie cérébrale. Le Devoir. [Page web consultée le 5 août 2024]
  9. Gouvernement du Québec. (2023), Consignes de la Santé publique – Incendies de forêt et dégradation de la qualité de l’air – appel à la vigilance. [Page web consultée le 5 août 2024]
  10. Gouvernement du Canada. (2024), Initiative pour un avenir résilient face aux incendies de forêt. [Page web consultée le 5 août 2024]
  11. Côté, G. (2023), Le gouvernement du Québec annonce un soutien de 16 M$ pour la SOPFEU, Société de protection des forêts contre le feu. [Page web consultée le 5 août 2024]